Assises 2018

Les assises 2018 du CIPAC ont été l’occasion de mettre en valeur – dans une logique de filière, les complémentarités et les coopérations existantes entre les différents acteurs du secteur des arts visuels, au premier rang desquels se trouvent les artistes. Cette journée a également été l’occasion de débattre des outils nécessaires à la consolidation de la filière des arts visuels et de s’interroger sur la portée que les travaux initiés dans les régions par les Schémas d’Orientation pour le Développement des Arts Visuels (SODAVI) pourraient avoir sur le long terme.

5 octobre 2018

Retour en images sur les troisièmes assises du CIPAC

Assises 2018
Photographies : M.Q., tous droits réservés.
Assises 2018
Photographies : M.Q., tous droits réservés.
Assises 2018
Photographies : M.Q., tous droits réservés.

Discours d’ouverture de Catherine Texier, Présidente du CIPAC, lors des assises du 5 octobre 2018

Madame Béatrice Salmon, Directrice adjointe chargée des arts plastiques à la Direction générale de la création artistique du ministère de la culture,

Monsieur Yves Robert, Directeur du Centre national des Arts Plastiques,

Mesdames et messieurs les représentants des collectivités territoriales,

Mesdames et messieurs les artistes, chers collègues de la FRAAP, de l’USOPAVE,

Mesdames et messieurs les inspecteurs, chefs de services et conseillers pour les arts plastiques,

Mesdames et messieurs les Présidentes et les présidents des organisations professionnelles membres du CIPAC, chers collègues,

Mesdames et messieurs les professionnels des structures et des réseaux, chers collègues,

Mesdames et messieurs en vos grades et qualité,

Permettez moi de commencer par remercier la Ville de Paris pour le soutien qu’elle apporte à cette journée en nous permettant de nous réunir dans ce lieu de culture, et bien sûr de remercier Sandrina Martins et l’équipe du Carreau du Temple pour son accueil.

Chers collègues, j’ai l’honneur d’ouvrir en votre nom à tous les assisses du CIPAC pour la troisième année consécutive.

En réfléchissant à ce discours d’ouverture ces dernières semaines, j’imaginais pouvoir commencer par de bonnes nouvelles, par un bilan de cette dernière année très prometteur, voire enthousiasmant.

Ce ne sera pas hélas le début de mon propos.

J’aurai dû commencer par me féliciter que le nouveau plan Éducation Artistique et Culturelle des ministères de la Culture et de l‘Éducation nationale, intitulé « à l’école des arts et de la culture », fasse la part belle aux arts plastiques.
Nous avons tellement œuvré dans ce domaine et depuis tant d’années. Peu de secteurs ont en effet produit autant de recherche ou d’actions innovantes en la matière.
Lors des dernières assises Emmanuel Tibloux animait ici-même une table ronde autour de l’éducation artistique et culturelle.
Il avait publié plusieurs tribunes sur le sujet, où il alertait, je le cite « de l’urgence d’une politique ambitieuse en matière de formation, de recherche, de création, de diffusion, de médiation et d’éducation aux arts visuels ».
Il demandait « un investissement fort, non pas tant dans la culture comme facteur de cohésion sociale, que dans l’art comme vecteur d’éducation au regard et à la création ».
La table ronde qu’Emmanuel Tibloux animait s’intitulait « Éducation artistique et culturelle : quelles ambitions pour les arts plastiques ? ».
Je crois malheureusement que nous avons la réponse aujourd’hui.
Je vous engage à lire, si ce n’est déjà fait, la publication du ministère de la Culture et du ministère de l’Éducation nationale. Vous y verrez des photos où des jeunes dessinent, peignent, font de la photographie, mais vous aurez beaucoup de mal à trouver les lignes qui désignent les arts plastiques dans l’expression des volontés conjointes des deux ministères.
Ce n’est pas tout à fait une absence totale : au bas de la page 19, sur trois lignes, il y a un dispositif de soutien au réseau Diagonal pour la création de parcours photographiques. Renseignements pris, les moyens alloués à ce dispositif permettront de toucher 700 personnes.

Dans les dispositifs soutenus, vous trouverez aussi celui de « une classe, une œuvre ». C’est un dispositif qui existe depuis 2013.

Pas un projet dans notre champ professionnel qui ne porte en son cœur l’éducation artistique et culturelle et ses enjeux. Nous travaillons tous avec les enseignants pour que les jeunes puissent continuer à avoir accès aux œuvres, à rencontrer les artistes, le tout dans des conditions humaines et matérielles de plus en plus difficiles au fil des années.

À l’heure où nous sommes nombreux à réécrire nos projets d’établissements, en prenant grand soin de faire toute la place qu’elle mérite à l’éducation artistique et culturelle, à l’heure où nos collègues galeristes ouvrent largement et gratuitement leurs portes aux classes, où le CIPAC vient d’accueillir comme nouveau membre l’organisation professionnelle des médiatrices et médiateurs de l’art, cette absence quasi totale des arts plastiques dans le plan interministériel est une véritable violence faite à nos projets, à nos pratiques et aux valeurs que nous portons.

Nous arrivons maintenant au moment où je devrai vous annoncer la création du Conseil National des Professions des Arts Visuels : tous les voyants étaient au vert.
Nous avions passé il y a longtemps l’épreuve d’une longue négociation, puis toutes les étapes politiques et administratives, et l’Etat et les collectivités avaient finalement trouvé un accord concernant la présence de ces dernières dans cette instance.
La règle issue de la simplification des normes et de l’action réglementaire du gouvernement, qui impose la suppression d’une commission pour en créer une autre, était respectée. L’ensemble des acteurs des arts plastiques et visuels guettait donc impatiemment la publication du décret qui finaliserait enfin la création du CNPAV.
Nous apprenons maintenant que désormais la règle de simplification impose non pas la suppression d’une commission pour qu’une nouvelle soit créée, mais la suppression de deux commissions... Cela diffère donc une fois de plus la publication du décret CNPAV !

Il est inimaginable que cette instance, dont la création a été annoncée par les représentants successifs du Ministère de la Culture deux fois ici même, ne voit pas le jour en 2018.
Si tel était le cas, cela dirait non seulement l’invisibilité de notre secteur auprès de l’État, mais aussi le mépris absolu que ce gouvernement aurait pour les artistes d’abord, et pour l’ensemble des acteurs des arts plastiques. La presque totalité des métiers est susceptible de se retrouver au sein du Conseil National des Professions aux côtés des artistes : les galeristes, les régisseuses et régisseurs, les médiatrices et médiateurs, les directrices et directeurs de centre d’art, de FRAC, d’artothèque, les critiques d’art, les commissaires, les restaurateurs, les administratrices et administrateurs, les documentalistes, les chargés de production, et j’en oublie sûrement pardonnez-moi.

Nous attendons tous de pouvoir construire ensemble, avec les différents niveaux de collectivités, l’État, l’ensemble des partenaires sociaux, de même que les sociétés de gestion des droits d’auteurs, ce qui pourrait enfin être reconnu comme un secteur professionnel à part entière et surtout disposer des outils nécessaires à sa consolidation et à son développement.

Je rappelle une fois de plus que nous n’avons pas de convention collective adaptée, pas de répertoire des métiers, donc pas de filière de formation dédiée. Nous devons sans cesse nous adapter ou faire avec. Sans compter notre absence dans les espaces de travail ou de négociation où sont prises, par d’autres que nous, les décisions qui impacteront tous nos parcours professionnels.

Les seules avancées notables de cette dernière année sont par conséquent la mise en place des premiers labels nationaux attachés aux arts plastiques, ainsi que celle du CNESERAC, le Conseil National de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche Artistique et Culturelle.
Dans les écoles d’art, la réforme du statut des enseignants des écoles territoriales est toujours en suspens. Nous souhaitons qu’une solution intervienne rapidement afin d‘éviter ce qui pourrait devenir une crise profonde pour ces institutions essentielles pour le présent et l’avenir du monde artistique. Aux côtés des représentants des écoles d’art, nous réaffirmons l’attachement à un enseignement qui se construit depuis le champ professionnel de l'art contemporain et de ses spécificités.

Pour ce qui concerne les labels, qui constituent indéniablement un pas en avant pour le secteur des arts plastiques, nous restons particulièrement vigilants : l’attribution du label « centre d’art contemporain d’intérêt national ».
Nous attendons en 2019 un nombre de demandes et d’attributions plus important, mais dans de nombreux territoires, nos collègues témoignent de grandes difficultés devant la complexité croissante du dialogue entre les collectivités et l’État.
Les FRAC sont pour leur part engagés dans un mouvement de mise en conformité de leurs projets et de leurs statuts avec le label. Leurs situations respectives dans les régions connaissent des écarts considérables et des remises en cause des modèles actuels sont annoncées.

Les changements se produisent bien au-delà des simples contours de notre secteur et une réforme très profonde commence à ébranler le monde du travail. Il s’agit du regroupement des branches professionnelles : l’objectif du gouvernement est de passer de 700 branches professionnelles à 200. Dès 2019, toutes les branches de moins de 5000 salariés seront supprimées. La deuxième étape sera celle de la suppression des branches de moins de 50 000 salariés.
Les conséquences vont être importantes et provoquer de profondes modifications du paysage socio-professionnel national.
Nous ne disposons pas de branche professionnelle et, selon la nature de notre activité, nous sommes rattachés ou pas à des textes réglementaires écrits pour d’autres : l’animation ou le spectacle vivant notamment.
À l’issue de cette réforme, chaque salarié devra pourtant être rattaché à une branche professionnelle.
Le CIPAC reviendra donc vers vous dans les prochains mois pour évaluer les conséquences concrètes d’une telle évolution et les mesures sectorielles à mettre en œuvre rapidement pour aborder le mieux possible les deux prochaines années.

Pour ce qui concerne les artistes. Le ministère a mis en œuvre une concertation face à l’inquiétude des auteurs sur de nombreux sujets parmi lesquels deux urgences : le transfert du recouvrement des cotisations et contributions sociales à l’URSSAF et la solution effective qui viendra compenser pour eux la hausse de la CSG. Aux côtés des organisations professionnelles qui les représentent, le CIPAC souhaite une issue prochaine favorable aux auteurs sur ces deux sujets.
Chacun d’entre nous a conscience de la période charnière que nous traversons, conscience aussi que l’évolution de nos modèles institutionnels n’est pas obligatoirement négative.

Malgré les mauvaises nouvelles avec lesquelles je suis arrivée devant vous, je voudrais vous dire que nos efforts ces dernières années n’ont pas été vains.
Si nous regardons ensemble le chemin parcouru, notamment depuis la mise en place de la réforme territoriale, je crois que nous pouvons être fiers de notre mobilisation et du travail accompli dans une période déterminante et complexe.

Longtemps le monde de l’art a été décrit comme une somme d’individualités. Aujourd’hui les acteurs des arts plastiques se sont rassemblés en réseaux et mettent en œuvre des concertations avec les partenaires publics partout dans les régions.
Certes des écarts entre les territoires existent, les périmètres des actions et les calendriers ne sont pas les mêmes, mais les SODAVI ont pourtant créé un premier appel d’air pour notre secteur. Au sens propre du terme, comme si une porte s’ouvrait, les SODAVI nous permettent de trouver de nouveaux espaces pour dire ce que nous sommes, partager, inventer, construire ou plutôt co-construire enfin sérieusement et sereinement avec les partenaires publics, la société civile et le secteur économique.
Artistes, acteurs publics ou privés du monde de l’art, nous avançons avec la volonté de développer nos modes de coopération et de renforcer une solidarité qui place l’artiste au centre, sans angélisme, avec rigueur et lucidité.

Nous allons aujourd’hui tenter d’analyser ensemble les mécanismes qui animent notre écosystème. Regarder comment et pourquoi la question d’une filière arts plastiques et visuels se pose à nous aujourd’hui.

Le CIPAC a initié et soutenu ce mouvement dans les régions, il va désormais travailler pour que les préconisations issues des concertations puissent trouver un écho, une articulation efficace et positive avec les politiques publiques de l’État.

Plus que jamais, je suis convaincue que nous ne pouvons compter que sur notre solidarité et notre action collective pour affirmer plus encore la présence nécessaire de l’art dans les vies de nos concitoyens.

Catherine Texier, Présidente du CIPAC
Deuxièmes assises annuelles,
5 octobre 2018 au Carreau du Temple, Paris