Assises 2017

La seconde édition des assises annuelles du CIPAC a permis d’ouvrir le dialogue autour de trois thématiques : les droits culturels , l’éducation artistique et Culturelle , et les politiques territoriales. Identifiés comme autant de sujets autour desquels se nouent les problématiques imminentes du secteur, ces grands thèmes ont été discutés sous forme de tables-rondes par des élus, des représentants de l’Etat et des collectivités territoriales, ainsi que des universitaires.

9 octobre 2017

Retour vidéo sur les deuxièmes assises du CIPAC

Vidéo (réalisation et captation) : Xavier Boutin
Vidéo (réalisation et captation) : Xavier Boutin
Vidéo (réalisation et captation) : Xavier Boutin

Discours d’ouverture de Catherine Texier, Présidente du CIPAC, lors des assises du 9 octobre 2017

Mesdames et messieurs les représentants des organisations professionnelles membres
du CIPAC, chers collègues,

Mesdames et messieurs les professionnels des structures et réseaux, chers collègues,

Mesdames et messieurs représentants les organisations professionnelles des arts
plastiques et du secteur culturel , bienvenue parmi nous,

Permettez moi de remercier tout d’abord Sandrina Martins, son équipe, et la Ville de
Paris pour le soutien apporté à cette journée en nous permettant de nous réunir dans ce
lieu de culture.

Nous nous retrouvons ici pour les secondes assises du CIPAC fédération des
professionnels de l’art contemporain. Le soutien à la création dans les arts plastiques, la
recherche qui y est associée, les formes de leur production, et de leur diffusion publique
ou privée, sont au cœur de nos travaux.
Les principes qui fondent la création également : la liberté de pensée, l’affirmation d’un
esprit critique, la tolérance, la diversité.
Ensemble, et dans nos champs d’action respectifs, nous défendons la place des artistes
dans notre société, la place de leurs œuvres et de leur parole.
Nous construisons les modalités de rencontre avec la création contemporaine, pour que
nos concitoyens aient accès à ses formes les plus novatrices et que cet accès reste le plus
égalitaire possible.

Nous tenterons de voir tout à l’heure comment la présence dans la loi des nouveaux
« droits culturels » peut interroger les fondements ou les formes de cet accès à la
création.

La période de transition que nous avons examinée ensemble l’année dernière est loin
d’être terminée. L’application des nouvelles mesures liées à la réforme territoriale est
en cours, et dans une très grande majorité des régions nous voyons combien il est
difficile pour les collectivités, comme pour les services de l’Etat, de trouver des
modalités de fonctionnement conjuguées et surtout efficaces.
Cette mise en place entraine de nombreux bouleversements pour les acteurs culturels, et
le projet porté par le nouveau gouvernement risque de bousculer une fois encore
l’équilibre entre l’Etat et les collectivités.

Les baisses annoncées des dotations aux collectivités territoriales nous inquiètent donc
particulièrement, tant l’action de ces dernières est désormais déterminante pour
maintenir sur l’ensemble du territoire national un tissu solide de lieux d’art, et soutenir
la création.
L’observatoire des politiques culturelles relevait au début de cette année que 59% des
collectivités avaient fait le choix de baisser leur budget culture sur la période 2015-2016
avec des conséquences parfois immédiates sur le fonctionnement des équipements
culturels et des projets développés.

Comment espérer aujourd’hui préserver et faire évoluer les outils de la culture,
développer l’Education Artistique et la transmission des savoirs, première ambition de
la Ministre, si l’Etat reprend d’une main ce qu’il donne de l’autre ?

La publication récente du projet de loi de finances annonce un budget de la culture, et
plus précisément des arts plastiques, préservé de baisses importantes. Nous n’y voyons
pourtant pas encore les marges nécessaires à une politique culturelle ambitieuse tant
attendue, ni une nouvelle respiration pour notre secteur historiquement sous doté.
Parce qu’il est désormais vital que ce budget 2018 soit aussi celui qui amorce la fin de la
sous dotation chronique du secteur des arts plastiques.

Avant la publication du projet de loi de finance, le non renouvellement des dispositifs
d’emplois aidés a frappé durement les écosystèmes de l’art en place dans les territoires.
Si ces contrats représentent moins d’un millier de postes, ils sont absolument
indispensables au fonctionnement de beaucoup de lieux de diffusion et de production de
l’art, en prise avec l’inadéquation de leurs moyens et des missions qui leur sont confiées.
Si la baisse annoncée des emplois aidés impacte beaucoup d’entre nous, ce sont bien sûr
les plus fragiles économiquement qui sont les plus touchés par cette mesure, et pour
certains menacés de fermeture. Il est nécessaire que la culture puisse rapidement faire
partie des secteurs prioritaires pour ces dispositifs.

La hausse de la CSG va quant à elle impacter directement les artistes pour lesquels
aucune mesure compensatoire n’est aujourd’hui annoncée, alors que nous alertons
depuis des années sur la grande précarité économique de l’immense majorité d’entre
eux.
Nous voyons bien que la succession de ces mesures récentes ignore particulièrement les
spécificités des arts plastiques. En 2016, nous avions évoqué ensemble ici-même la
nécessité de créer les conditions d’un dialogue efficace avec l’Etat et les collectivités,
notre secteur étant historiquement absent de toutes les instances de travail avec les
décideurs publics.
Nous pourrons interroger dans la seconde partie de l’après-midi Madame Régine
Hatchondo, directrice générale de la création, sur le devenir du Conseil National des
professions des arts visuels, que nous demandons depuis longtemps.
Je rappellerai ici les dossiers que porte le CIPAC pour une convention collective, ou pour
le développement d’une offre adaptée de formation continue notamment.

Comme vous le savez c’est notamment dans cette instance, le CNPAV, que nous pourrons
tenter de commencer à combler le déficit de structuration du secteur ou plutôt l’absence
de branche professionnelle, et de travailler régulièrement à l’amélioration des
conditions d’activité de l’ensemble des acteurs des arts plastiques, à commencer par les
artistes.
Le CNPAV n’est pas encore créé, et depuis nos assises 2016 nous ne pouvons que
prendre acte de la création des premiers labels nationaux attachés au secteur, ainsi que
celle du CNESERAC, le Conseil National de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche
Artistique et Culturelle.. Nous espérons que ces nouvelles mesures soient des avancées
avec des conséquences salutaires pour tous.

Au-delà de ces aspects primordiaux pour le développement et la pérennité des projets
que nous portons tous, la période agitée que nous traversons nous montre combien il est
nécessaire de mieux informer, certains disent former, les décideurs publics. (petit mot
pour les élus dans la salle).

Alors que nos concitoyens déclarent régulièrement leur désir de culture et d’art, il faut
bien constater que les élus relaient avec réserve cet enthousiasme. Rares sont ceux qui
dans leur politique générale se servent de la culture comme point d’appui au même titre
que le soutien aux entreprises ou aux transports alors que la présence de lieux de
culture, de lieux d’art, est reconnu comme un critère essentiel de la qualité de vie des
populations.

Quand le sujet culturel arrive, c’est d’ailleurs souvent uniquement par un prisme «
économique ». Les industries culturelles apparaissent prioritaires, rentables même si
c’est loin d’être toujours le cas, avec des échelles et des modes de production ou de
diffusion qui ne sont pas ceux des arts plastiques.

Les écosystèmes que nous formons sur l’ensemble des territoires s’appuient en effet sur
une diversité et des complémentarités tout à fait originales dans le paysage culturel
français, et même international. C’est une richesse immense.
Chacun à notre niveau de responsabilité et d’intervention, ensemble pour avancer plus
vite, il est urgent de transmettre la réalité de nos pratiques et de leurs évolutions, de
dire et de montrer ce que sont et ce que font les acteurs de l’art.

Cette richesse, comme la nécessité de travailler efficacement à la mise en place de
politiques publiques, nous les retrouvons aujourd’hui dans les différentes concertations
qui rassemblent le secteur sur la presque totalité du territoire national.
Les SODAVI, ou les travaux en cours sous d’autres formes que ces schémas d’orientation
et de développement des arts visuels, réunissent dans les grandes Régions les artistes et
les acteurs privés ou subventionnés autour des décideurs publics, Etat et collectivités.
Si la région Pays de la Loire avait ouvert la voie avec les Hauts de France, la Nouvelle
Aquitaine avance à grands pas vers une refonte complète de ses politiques publiques en
direction des arts plastiques.
L’Occitanie, la Normandie, Auvergne/Rhône-Alpes, la région PACA ou la Région Centre
Val de Loire, ont également mis en place des SODAVI ou des concertations.
Ailleurs les professionnels réunis en réseau, comme dans le Grand Est, en Bretagne, ou à
la Réunion participent également de cet effort immense pour un secteur où la grande
majorité des structures dites institutionnelles travaillent avec des équipes de moins de
quinze personnes, et ou les micro-associations sont nombreuses.
Tous acteurs publics ou privés nous avançons avec la volonté de développer nos modes
de coopération, et de renforcer une solidarité économique qui place l’artiste au centre, le
tout sans angélisme, avec rigueur et lucidité.

Le CIPAC a initié et soutenu ce mouvement de fond, il va désormais travailler pour que
les préconisations issues des concertations en région puissent trouver un écho, une
articulation, avec les politiques publiques de l’Etat.

Avant de vous rejoindre dans la salle pour participer à vos côtés aux différents ateliers
de cette journée, je voudrais terminer par une histoire qui finit plutôt bien.
Cette histoire se déroule dans les quartiers Nord de Marseille et c’est celle d’une
aventure, qui non seulement m’a beaucoup inspirée, mais fait partie des projets
remarquables qui fondent un engagement professionnel.

Cette histoire c’est celle de l’Artothèque du lycée Antonin Artaud, depuis trente ans elle
repose sur l’engagement d’enseignants qui travaillent avec les artistes pour que les
élèves et leur famille aient accès à des œuvres d’art contemporain.
Le directeur régional des affaires culturelles de la région PACA a déclaré que « l’Etat
n’avait pas vocation à subventionner une association d’enseignants » annonçant ainsi le
retrait de la subvention annuelle. Ce retrait provoquant par ce subtil effet de dominos
que nous connaissons désormais par cœur le retrait d’autres collectivités.
Nous avons été nombreux à nous mobiliser à tous les niveaux, et les artistes en premier
lieu, pour dire que bien sûr que si l’Etat a vocation à repérer, encourager, soutenir une
initiative aussi singulière et surtout opérante. Qu’une normalisation des règlements
d’intervention doit s’effacer devant un projet aussi enthousiasmant, qui plus est à
l’heure où l’Education artistique est la première priorité du ministère de la culture.
Cette mobilisation a aujourd’hui rempli sa mission et nous savons depuis samedi que
l’artothèque obtiendra le maintien de sa subvention.

Chère Geneviève, cher Gérard, je suis heureuse d’avoir l’occasion de saluer ici votre
travail, peut-être de le faire connaître, et encore plus heureuse de pouvoir souhaiter
longue vie au projet de l’artothèque Antonin Artaud à Marseille.

Bonne journée de travail à tous.

Catherine Texier, Présidente du CIPAC
Deuxièmes assises annuelles,
9 octobre 2017, au Carreau du Temple, Paris