Assises 2016

Pour leur première édition en 2016, les assises annuelles du CIPAC ont eu pour but de mettre en lumière les enjeux structurels, politiques et professionnels du secteur des arts visuels. Au delà de la réforme territoriale et de la loi LCAP, qui étaient parmi les sujets centraux de cette journée, la nécessité de définir de nouvelles politiques culturelles et les modalités de concertation avec les décideurs publics ont également occupé une large part des débats.

12 septembre 2016

Retour vidéo sur les premières assises du CIPAC

Présentation: Catherine Texier, présidente du CIPAC / Cadrage : Kyle G.Brown / Montage : Georges de Saint-Mars, Jigsaw, bureau d'itentités.

Discours d’ouverture de Catherine Texier, Présidente du CIPAC, lors des assises du 12 septembre 2016

Madame Régine Hatchondo, Directrice générale de la création artistique, représentante de la ministre de la Culture et de la communication,

Monsieur Patrick Bloche, Député de Paris, Président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée Nationale,

Mme Sylvie Robert, Sénatrice d’Ile et Vilaine, Secrétaire de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication du sénat,

Monsieur David Assouline, Sénateur de Paris, Vice-Président de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication du sénat,

Mesdames et messieurs les Présidentes et les Présidents des organisations professionnelles membres du CIPAC, chers collègues,

Mesdames et messieurs, chers collègues,

Permettez-moi de commencer par remercier la Ville de Paris pour le soutien qu’elle apporte à cette journée en nous permettant de nous réunir dans ce beau lieu de culture, et bien sûr de remercier l’équipe du Carreau du Temple pour son accueil.

Nous nous retrouvons aujourd’hui pour un temps inédit, les premières assises du CIPAC, fédération des professionnels de l’art contemporain. Je veux commencer par vous remercier chers collègues en mon nom, et au nom de l’ensemble des représentants des organisations membres du CIPAC, d’être venus de la France entière et aussi nombreux, pour participer à cette journée de mobilisation.

Comme vous le savez nous nous rassemblons régulièrement pour des journées professionnelles qui correspondent à des temps essentiels de recherche, et nous construisons tous les 5 ou 6 ans des congrès nationaux rassemblant largement les professionnels de l’art contemporain, congrès qui marquent les évolutions et les questionnements du secteur.

En 2015 et ces derniers mois, nous nous sommes retrouvés lors des journées interrégionales, devenues « Régionales » après la réforme territoriale. Là-aussi vous avez été très nombreux à vous rassembler - parfois à la surprise des observateurs présents qui n’imaginaient pas toujours que ce secteur comptait autant d’acteurs. Ces journées ont été importantes pour penser ensemble cette nouvelle période qui s’ouvre pour les régions et pour le pays, elles ont été importantes aussi pour marquer notre volonté de participer activement à sa construction.

Le soutien à la création dans les arts plastiques et visuels, et les formes de leur diffusion ont été au coeur de nos travaux. Les principes qui fondent la création et sa diffusion également : la liberté de pensée, l’affirmation d’un esprit critique, la tolérance, la diversité.Le soutien à la création parce que nous affirmons haut et fort la place centrale des artistes dans notre société. La diffusion de l’art sous toutes ses formes, publiques ou privées, parce que nous oeuvrons chaque jour pour que nos concitoyens, aient accès aux formes les plus novatrices de la création.

Nous travaillons tous ici avec et pour les artistes, nous travaillons tous avec et pour les publics.

L’acte III de la décentralisation constitue une évolution majeure, voire une révolution, pour les territoires bien sûr, et aussi pour notre secteur.

Nos professions, les structures au sein desquelles nous les exerçons, sont pour leur très grande majorité issues de l’acte I de la décentralisation culturelle qui a permis la création de la grande majorité des réseaux dont nous sommes issus. Ainsi nous avons tous une conscience aigüe des réalités humaines, géographiques, économiques et politiques que le mot « territoire » recouvre. Nous avons également conscience aujourd’hui que nous vivons une période décisive pour le devenir des arts plastiques et visuels.

La loi de la modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles -dite loi MAPTAM, consacre le statut des métropoles pour les bassins de population les plus importants du territoire national, elle affirme ainsi un nouvel échelon de nos territoires ; un autre texte de loi a fait émerger comme vous le savez une nouvelle carte des régions et de nouveaux exécutifs ont été élus en décembre dernier. Enfin la loi pour une nouvelle organisation du territoire de la République (dite loi NOTRe) redistribue et précise les compétences des collectivités territoriales, et c’est aussi cette loi qui instaure les conférences territoriales de l’action publique (CTAP).

Il est important de souligner que cette réforme territoriale a été réalisée dans le contexte d’une crise européenne majeure des financements publics. Cette crise touche chaque niveau de l’intervention publique et nous voyons aujourd’hui les collectivités territoriales face à de grandes difficultés.Dans les régions qui ont fusionné, les règlements d’intervention qui encadrent la répartition de l’argent public sur le territoire sont en cours d’harmonisation. Ils comportaient parfois de grands écarts, qu’il est obligatoire aujourd’hui de supprimer pour garantir une nouvelle équité territoriale. Il est à craindre que les alignements par le haut seront rares.

L’adoption de la loi Liberté de création, architecture et patrimoine a été un autre événement du paysage législatif récent. Cette loi n’a pas fait la place que nous attendions aux arts plastiques et visuels. Mais nous avons salué l’apparition des labels pour les centres d’art et les FRAC, ainsi que la reconnaissance du caractère public de leurs collections qui consacre nous l’espérons une base juridique pérenne à l’intervention de l’État aux côtés des collectivités territoriales.

Madame, messieurs les parlementaires, nous n’allons pas revenir sur le débat concernant la suppression de la clause générale de compétence et l’instauration de la culture comme compétence partagée : les textes sont votés, et ils sont pour certains en vigueur depuis plusieurs mois. Les grandes régions sont une réalité, et les CTAP se mettent en place. Nous n’allons pas revenir non plus sur les dispositions de la loi LCAP. Les décrets qui nous concernent ne nous ont pas encore été transmis, nous serons vigilants sur leur déploiement.

Nous voulons être aujourd’hui, nous, professionnels, dans le temps du travail et de la construction. Nous nous rassemblons ici pour affirmer notre volonté de participer activement à l’élaboration des nouvelles politiques publiques.

Ce serait d’abord pour dire, hélas, notre grande inquiétude devant les premiers signes qui émergent des territoires, ou plutôt qui n’émergent pas. Si la place faite à la culture dans l’action publique est faible, celle consacrée aux arts plastiques et visuels est à ce jour plus faible encore.Les écosystèmes de l’art que nous formons sur l’ensemble des territoires sont aujourd’hui des économies bien trop fragiles pour supporter ce désintérêt qui conduit à une stagnation des crédits publics (historiquement bas) alloués à notre secteur, et qui conduit déjà également dans de nombreux endroits à leur réduction.

Nous entendrons cet après-midi Emmanuel Négrier, docteur en sciences-politiques et directeur de recherche au CNRS, pour la présentation du cadre d’une étude intitulée « Arts visuels et politiques publiques en France » que le CIPAC a souhaité initier. Emmanuel Négrier a accepté de développer le premier chantier qui porte l’objectif d’une lecture complète des réalités économiques, sociales, culturelles et artistiques du secteur. Nous constatons depuis longtemps une carence de données et d’observation, qui s’avère extrêmement pénalisante pour réévaluer la place des arts plastiques et visuels dans les politiques culturelles, tant au plan national que territorial. Il était urgent d’agir.

Nous souhaiterions que ce travail qui s’engage puisse être mis en perspective avec le rapport sur « la situation des arts visuels en terme d’économie, d’emploi, de structuration et de dialogue social » qui figure dans la loi LCAP. On nous dit que ce rapport pourrait voir le jour prochainement, ce serait effectivement la marque d’une attention que nous attendons tous.

Ce rapport aurait entre autres pour vertu de faire émerger enfin une dimension essentielle de notre secteur, je veux parler de l’absence de branche professionnelle.Aux côtés des artistes qui sont nombreux à vivre sous le seuil de pauvreté, de nombreux professionnels travaillent dans des conditions de précarité largement institutionnalisées. Une grande part des salariés et des employeurs de notre champ professionnel ne disposent d’aucun texte réglementaire adapté à leur activité, malgré les efforts considérables menés depuis plus de 10 ans. Les filières de formation initiale et continue sont incomplètes, le répertoire des métiers toujours inexistant. La liste est longue. C’est tout cela que signifient les mots absence de branche professionnelle. Et qui produit chaque jour des difficultés qui alourdissent l’activité et freinent notre développement.

Le déblocage des dossiers en cours, notamment celui de la convention collective est aujourd’hui indispensable. Nous savons bien que la récente loi travail risque de modifier le contexte de ce dossier, mais il est plus qu’urgent de trouver des solutions concertées pour les professionnels, employeurs ou salariés.

La création d’un conseil national des professions des arts visuels semble sur la bonne voie. Je rappelle qu’une telle instance a pour but d’émettre les préconisations concernant l’emploi, la formation et l’économie d’un secteur. Bien évidemment le CIPAC, aux côtés des artistes et des galeries, soutient la création du conseil national des professions. Nous ferons preuve d’une grande vigilance pour que cette instance dispose réellement de l’ensemble des moyens nécessaires à son fonctionnement.Enfin, cette instance n’aura de sens qu’en regard du développement d’une branche professionnelle et des outils associés -répertoire des métiers au premier titre. Ce futur Conseil national des professions devra également trouver une articulation immédiate avec la structuration du secteur dans les territoires, et notamment avec la filière arts visuels, dont nous parlerons tout à l’heure avec les représentants des réseaux territoriaux.Toutes ces recherches, tous ces chantiers souvent bien avancés, doivent nécessairement être pensés et articulés dans un temps commun. C’est pour cette raison que nous demandons aujourd’hui un plan national pour les arts plastiques et visuels.Nous affirmons également la volonté de l’ensemble des professionnels de s’engager, aux côtés des décideurs publics, pour créer les nouveaux écosystèmes de l’art, les nouvelles collaborations solidaires, et mettre en place tant au plan national que territorial, la filière des arts plastiques et visuels.Nous voyons chaque jour que l’art est un formidable levier pour favoriser une meilleure cohésion sociale, pour contribuer à l’émancipation des personnes et pour développer un territoire. Alors mesdames et messieurs, chers collègues, protégeons et développons ensemble ce qui contribue si précieusement à la richesse artistique et culturelle de ce pays.

Catherine Texier, Présidente du CIPAC
Premières assises annuelles,
12 septembre 2016, au Carreau du Temple, Paris